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Atelier

Articuler théorie et pratique par le jeu de rôle

Présentation :
En pédagogie, le jeu de rôle vient relayer l’enseignement magistral. Il favorise la mémorisation et la compréhension des enjeux théoriques en proposant à l’étudiant de vivre une situation enrichissante. Les jeux de rôle sont souvent construits comme des défis et s’apparentent à des cas pratiques. Les étudiants expérimentent une situation concrète où ils se mettent à la place d’un "autre" (professionnel, acteur de terrain, client, patient ou personnage fictif…).
Comment concevoir un jeu de rôle efficace ? Comment impliquer les étudiants dans le jeu ? Comment mesurer les acquis du jeu ? Autant de questions que vous pourrez poser aux intervenants de cette rencontre.

Intervenants :
Pour ce prochain 10/20/Trente, deux enseignants présenteront leur expérience et échangeront avec vous sur les jeux de rôle qu’ils ont mis en place et les perspectives ouvertes par ces pratiques pédagogiques alternatives :

  • Géraud Magrin, enseignant à l'UFR de géographie ;
  • Yves Buchet de Neuilly, enseignant à l'UFR de science politique.


Modalités :
La rencontre se déroulera en présence sur le site de PMF en salle A802
Elle pourra être suivie à distance via le lien Zoom suivant : https://zoom.univ-paris1.fr/j/92604121174?pwd=N3EzSXV0VldLa3d6bVdDQWVuM2xXdz09


Public et inscriptions :
Toute personne enseignant à l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne peut participer. 
Il est toutefois recommandé de s'inscrire par le lien dédié dans la marge à droite.

 

Restitution de la rencontre :

Les deux dispositifs présentés par Géraud MAGRIN (UFR de géographie) et Yves BUCHET DE NEUILLY (UFR de science politique) ont de nombreuses différences (publics, nombre de participants, durée, scénarios, objectifs pédagogiques) mais les deux engagent les étudiants à mobiliser leurs compétences collectivement pour résoudre une situation complexe. Dans les deux cas, le jeu permet d’articuler des éléments théoriques, des outils intellectuels qui motivent les pratiques. En science politique, le jeu est un bon outil pour comprendre la négociation et appréhender ses aspects dynamiques. 

Place du jeu dans le semestre : en introduction ou en conclusion de séquence ? 

Si les deux dispositifs présentés se situent plutôt en milieu ou fin de séquence, les deux intervenants indiquent que le jeu de rôle en introduction ou milieu de semestre est possible et profitable. En science politique, on peut simuler une conférence de presse réunissant un groupe d'experts (étudiants ayant préparé un sujet) auxquels les autres étudiants poseront des questions, la simulation ayant été validée en amont par l'enseignant.  
En géographie, le jeu de rôle peut être un outil en introduction pour soulever des problématiques et cela marque les étudiants qui se souviennent, quand on y revient ensuite, de ce qui les a marqués. 
A noter que sur des grosses simulations, il faut parfois plusieurs semaines pour intégrer son rôle et les connaissances préalables nécessaires au jeu. 

Scénario du jeu 

Les deux intervenants ont indiqué que le scénario du jeu doit comprendre un sujet avec des rôles sur des positions opposées très tranchées. Il faut qu’il y ait des tensions, des blocages sur des dossiers très clivant choisis exprès. 
Le scénario peut être choisi parmi plusieurs sujets et même éventuellement écrit par les étudiants. 
L'appropriation par les étudiants est aussi un enjeu important. Il faut que les étudiants y croient et donc donner assez de profondeur au scénario pour leur permettre d’y trouver des informations et des arguments à développer.  

Attribution des rôles 

Géraud MAGRIN attribue des rôles à l'inverse de ce qu'il perçoit des étudiants pour faciliter leur décentrement. Les étudiants sont répartis par groupes de 2-3, une trame du rôle leur est distribuée qui leur laisse une marge de liberté. 
Yves BUCHET DE NEUILLY demande au préalable aux étudiants quels rôles ils veulent jouer et pourquoi. Certains étudiants se révèlent alors dans le jeu en s'investissant dans un objectif. 
Les deux intervenants ont insisté sur l’importance des rôles clés en évitant de les distribuer à des étudiants trop de timides. Il faut également chercher la complémentarité dans les équipes constituées. 
Avec les grands effectifs, il y a des rôles de journalistes, qui participent au côté immersif et peuvent ajouter une pression aux autres participants. Il peut y avoir aussi un rapport de force dans les effectifs, par exemple en plaçant 6 étudiants dans la délégation allemande et 1 seul dans la délégation du Luxembourg. 

Déroulement - Phases du jeu 

En géographie, le jeu de rôles sur 2 à 3h présente une alternance de phase de jeu et de phase d'analyse qui oblige les étudiants à changer de casquette. L’enseignant constate que le rôle perdure pendant la phase d'analyse. Le jeu se termine par une phase finale de débriefing. 
En science politique, la simulation sur une journée entière reprend les différentes phases d’une négociation. 
Les étudiants sont donc invités à préparer une position d'ouverture, si possible dans la langue du pays représenté, le costume est recommandé, une étiquette avec un drapeau et d’autres éléments sont mis en place pour créer le climat et rendre le jeu plus immersif. Un tour de table donne à chacun l’occasion de dévoiler ou non sa position en 2 min, tendre des perches. S’ensuivent des sessions dans plusieurs salles entre délégations. C’est là que se créent des alliances. 
La journée se termine par une session plénière où tous les participants sont présents. 
Un retour d'expérience est demandé aux étudiants sous la forme d’un premier compte-rendu à leur hiérarchie (en restant dans leur rôle), puis d’un second compte-rendu avec prise de recul réflexif sur les erreurs commises, les impasses rencontrées. 

Rôle de l’enseignant pendant le jeu 

Géraud MAGRIN n’intervient pas pendant les échanges, parfois un étudiant ou une étudiante joue le rôle de consultant facilitateur. L'enseignant joue le rôle de maître du temps et organise les temps réflexifs. Le MOOC « ressources naturelles de l'Afrique » permis une mise en ligne d’un jeu de rôle.  Réunissant près de 5000 participants dont la moitié en Afrique, il y a donc eu des problèmes de connexion et de créneaux horaires. L’équipe a constaté que le jeu fonctionnait quand il y avait un animateur pour expliquer et faire respecter les règles du jeu.  
Yves BUCHET DE NEUILLY joue le rôle de conseiller pour trouver un compromis. 

Engagement dans le jeu et dans son rôle  

Le jeu de rôles va mobiliser des étudiants autrement, parfois discrets, moins à l'aise parfois et qui se découvrent dans le jeu. Beaucoup d'étudiants sortent de leur zone de confort. Certains n'ont pas apprécié le jeu. 
Les aspects émotionnels sont importants et peuvent être un bon indicateur que le jeu fonctionne. Mais il faut arriver à éviter les débordements. On arrive parfois près de la rupture des négociations. Le rôle de l'enseignant est important comme secrétaire général ou conseiller pour indiquer des stratégies de contournement de l'impasse. 

Vécu étudiant 

Les deux étudiants intervenant dans la séance ont beaucoup apprécié le jeu de rôle. En géographie, les 3 jeux de rôles en M1 et en M2 permettent d'appréhender des sujets très larges, d’aller plus loin sur un sujet. Même s’il est fictif, la réalité n’est jamais très loin. Cela implique de devoir se positionner en tant que personne, trouver des arguments, les soutenir, avoir confiance en soi, trouver ensemble des solutions. A partir d'une situation concrète, beaucoup de théorie est mobilisée. 
En science politique, le jeu permet de sortir d'une théorie abstraite, de comprendre vraiment les implications de la négociation. Le jeu réunissant des étudiants de Masters, donc de bagages différents, ayant des façons de se positionner différemment, cela permet de construire ensemble une solution à partir de bagages théoriques différents. Est mise en avant aussi la satisfaction d'un groupe construit en une journée pour arriver à une solution, même si le cadre est fictif, même si cela demande un fort investissement des étudiants, en particulier en temps de recherche. Enfin, cette expérience marque les étudiants qui sont contents de retrouver des situations proches de ce qui sera leur vie professionnelle. 

Réalité ou fiction pour cadre du jeu ? 

Le défi est de ne pas rendre le jeu trop artificiel, de rendre crédible la situation, mais aussi de faire ressentir une atmosphère, un climat parfois chargé d’émotions. Que le cadre soit réel ou fictif, les mécanismes à étudier, à mobiliser sont les mêmes. 
Yves BUCHET DE NEUILLY a une préférence pour un scénario proche du réel qui permet aux étudiants parfois de trouver des éléments réels complémentaires. Quand le cadre est fictif, il faut un scenario avec assez de profondeur.  
Néanmoins cela permet de réduire et de cibler un enjeu. Il est aussi possible d'enrichir ce monde, voire de donner créer un cadre fictif très proche du réel, voire transparent (par exemple avec le cadre d’un conflit minier au « Zongo »).